Matthias Grünewald
Il est sûrement aujourd'hui une des figures majeures de l'histoire de l'art. Pourtant, jusqu'au XIXe,on savait peu de choses sur le peintre. Son identité même prêtait à caution. La renommée du peintre est donc posthume, fruit de la "redécouverte" du polyptyque d'Isenheim qui sera exposé, après la première guerre mondiale, à Munich. Il deviendra l'emblème de l'art et de l'esprit germanique. Rilke, Mann, Broch, Canetti ou Musil, qui, dans "L'homme sans qualité" le dépeindra comme le monument de l'identité allemande, jusqu'à Hindemith qui,pour célébrer son oeuvre, composera "Matthis der Maler".
Avec le polyptyque, s'affirme un art réfractaire à l'objectivité et à la représentation classiques et qui laisse entrevoir, dans les figures peintes d'Isenheim, un art jusque là peu apprécié : chair martyrisée et visages convulsés, explosion des couleurs et une fantaisie expressive qui, pour beaucoup, feront de Grünewald un précurseur de l'expressionnisme, raccourci excessif mais que nous essayerons de comprendre.
Mais, comme le soulignait déjà E. Gombrich, cette oeuvre semble anachronique. Le polyptyque, aux yeux de peintres come Bacon, Jasper Johns ou Picasso, apparaît comme "daté" en regard des évolutions techniques de la peinture du temps "moderne" . Nous nous intéresserons donc à la technique particulière de Grünewald dans cette oeuvre : juxtaposition de modes figuratifs divers et modes de composition qui sortent, non seulement de toute logique de construction prespectiviste mais aussi de l'oeuvre, en la situant dans son époque. Nous nous intéresserons aux commanditaires et reconstruirons, au travers de l'histoire, les références culturelles que l'on trouve dans l'oeuvre.